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Van Gogh and the avant-garde : the modern landscape, Art Institute of Chicago

De mai à septembre 2023, l’Art Institute de Chicago a mis à l’honneur une génération de peintres d’avant-garde qui ont transformé la peinture de paysage au cours de la décennie 1880. « Van Gogh and the avant-garde : the modern landscape » est un hommage aux audaces de Signac, Seurat, Van Gogh, Emile Bernard et Charles Angrand qui, explorant les rives de la Seine au nord-ouest de Paris, ont posé les bases d’un post-impressionnisme singulier.

L’exposition pose ses valises au musée Van Gogh d’Amsterdam du 13 octobre au 14 janvier 2024 sous l’intitulé “Van Gogh along the Seine”, qui permettra aux visiteurs européens de découvrir les œuvres.

 

« Le travail précurseur de Seurat, Signac, Bernard et Angrand dans la périphérie nord-ouest de Paris a poussé de nombreux artistes, dont Van Gogh, à repenser les potentialités de la peinture. C’était à cet endroit, en ce lieu et conjointement avec ces artistes, qu’il a appris à donner de l’énergie à son pinceau et à « voir la couleur », deux enseignements importants pour son développement rapide en tant qu’artiste ».

Jacquelyn N. Coutré, conservatrice à l’Art Institute of Chicago

 Ce qui attire les artistes, ce sont les mutations profondes et accélérées de la banlieue parisienne marquée par le développement massif des industries et du chemin de fer. Un nouveau mode de vie s’y développe, de nouveaux loisirs, de nouveaux espaces de vie et lieux de fêtes. Les impressionnistes, Monet, Manet, Renoir ou Caillebotte, s’étaient passionnés pour l’agitation des boulevards haussmanniens, la modernisation des villes et le repos des bourgeois à la campagne. La génération de Signac se rend entre les deux, à la frontière de la capitale, autour d’Asnières, Courbevoie et Clichy, là où se ressent la tension entre la ville industrielle et la campagne agraire.

Signac y trouve ses motifs de prédilection : les rives du fleuve, le mouvement lent des bateaux sur la Seine, le ciel dégagé sur une campagne en pleine transformation, où se devinent désormais un pont de chemin de fer, un nuage de fumée sortant d’une cheminée d’usine ou d’un bateau à vapeur.
Seurat se penche sur les loisirs des ouvriers et des bourgeois le weekend, en peignant l’iconique Dimanche après-midi à la Grande Jatte, cœur de l’exposition de Chicago.
Van Gogh, qui ne reste que quelques semaines entre mai et juillet 1887, peint une quarantaine de toiles dans lesquelles il observe les nouveaux ponts sur la Seine, les usines fumantes et les restaurants où se concentre l’activité de la société de la périphérie.

Paul Signac (1863-1935),
Quai de Clichy, temps gris
1887
Huile sur toile
Dimensions : 46 × 65.5 cm
Amsterdam, Van Gogh Museum

Lettre de Signac à Gustave Coquiot : « Oui, j’ai connu Van Gogh chez le Père Tanguy. Je le rencontrai d’autres fois à Asnières et à Saint-Ouen ; on peignait sur les berges ; on déjeunait à la guinguette et on revenait à pied à Paris, par les avenues de Saint-Ouen et de Clichy. Van Gogh, vêtu d’une cotte bleue de zingueur, avait peint sur les manches des petits points de couleur. Collé tout près de moi, il criait, gesticulait, brandissait sa grande toile de 30 toute fraîche ; et il polychromait lui-même les passants. »

 

REINVENTER LA PEINTURE APRES L’IMPRESSIONNISME

L’exposition démontre que l’émulation des peintres et leur excitation face à ces nouveaux paysages ont eu pour effet une redéfinition complète de ce qu’est un paysage en peinture, par l’apparition des techniques qui ont irrigué la création post-impressionniste jusque dans les années 1900. Georges Seurat met au point une facture pointilliste, travaillant les paysages par de minuscules touches de couleurs pures juxtaposées, formant de vastes toiles semblables à des mosaïques aux contrastes presque imperceptibles. Signac emprunte la même voie et théorise à la fin de la décennie cette pratique dans De Delacroix au néo-impressionnisme, qui lui vaudra le surnom de « Saint-Paul du néo-impressionnisme ». Van Gogh inaugure une nouvelle période de sa carrière où, plutôt que de réduire la touche à des petits points, il l’allonge, la rend fluide et mouvante, il fait danser la lumière et libère la couleur. Emile Bernard fait disparaître la touche, travaille progressivement par grandes plages de couleur vive, schématise les formes et se convertit à une symbolisation de plus en plus poussée. Enfin, l’exposition qui rassemble 75 tableaux est l’occasion de mettre en lumière un autre camarade de ces grands artistes de la décennie 1880, Charles Angrand, travaillant auprès de Signac, Seurat et Van Gogh, il développe une manière propre explorant les effets atmosphériques permis par le pointillisme.

Finalement, c’est au cours de ces quelques années, aux portes de Paris, qu’ont été mises en place les grandes idées annonçant les nouveautés du tournant du siècle, aussi bien le cloisonnisme symbolique de Gauguin, le fauvisme scintillant de Matisse et Derain, et le cubisme de Picasso et Braque.
Signac, Seurat, Van Gogh, Bernard et Angrand livrent à la postérité une nouvelle conception du paysage, qui ne fuit pas la modernité industrielle mais l’insère au milieu de la nature, et qui profite d’une libération de la touche pour rendre compte des couleurs et de la lumière que le peintre a devant les yeux.

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